Jérémie Pichon et le zéro déchet : « Le local va être la clé du changement »

Jérémie Pichon est intervenu à Pornic autour de la thématique du « Zéro déchet ».

Invité par Pornic agglo Pays de Retz dans le cadre de la Semaine européenne de réduction des déchets, Jérémie Pichon est intervenu lors d’une conférence sur le thème du zéro déchet, le 25 novembre dernier à Pornic. Rencontre avec un convaincu, pour qui la transition écologique doit être un sujet du quotidien. 

Comment votre démarche familiale autour du « zéro déchet » s’est-elle lancée ?

On était déjà dans une démarche écologique avant d’entamer le zéro déchet. En 2014, quand on a décidé d’y aller de manière drastique et forte, il y avait plein de trucs pour lesquels on n’avait pas encore trouvé la solution. Par exemple, le beurre. On avait toujours le problème de cet emballage fait de plastique et d’aluminium, qui se recycle difficilement. Donc, on est allés voir notre fromagère pour lui demander du beurre à la coupe. Ça a été un cap, parce qu’on arrivait chez les commerçants avec des contenants.

Quelles étaient les réactions des commerçants justement ?

A l’époque, on était juste des Ovnis ! Personne ne faisait cela, même encore maintenant, on n’est pas si nombreux. On a défriché un peu le sujet. Le fait de passer à l’acte en prenant nos propres contenants, ça a été notre premier gros cap. Et c’est ce qui fait le zéro déchet aujourd’hui. Enlever ces emballages, c’est enlever un tiers de notre poubelle. Ensuite, si on veut enlever le deuxième tiers, il faut sortir de la grande surface et fonctionner en circuit court.

Selon vous, quels ont été les effets de la crise sanitaire liée au Covid sur ces questions de consommation ?

Durant le premier confinement, l’obligation a poussé les gens à se tourner vers les commerces locaux. Puis, tout le monde a repris ses habitudes. Le monde d’après est pire, car les indicateurs de consommations explosent. On a numérisé la consommation, avec des géants comme Amazon, par exemple. On est dans une logique d’ultra-satisfaction immédiate du désir du consommateur. Donc, c’est pire qu’avant selon moi.

Jérémie Pichon est l’auteur de La famille presque zéro déchet.

Comment vivez-vous cette situation personnellement ? On parle beaucoup d’éco-anxiété par exemple…

J’ai commencé à militer en faveur du développement durable et de l’écologie en 1998. Ce qui me motive, c’est la conviction. Je suis convaincu de ce que je raconte. Je sais très bien comment on doit mener notre transition écologique. Ayant aussi travaillé dans l’humanitaire, j’ai aussi ce regard large. Et c’est ce que j’explique dans mes conférences : nous on vit un peu dans une bulle et les trois quarts de la planète sont dans la m…. . Donc il va falloir qu’on change vite. Je suis motivé par la volonté que cela change pour nos enfants. Et je suis passé par un peu tous les stades. Ce qui m’a beaucoup motivé au départ, c’était la colère, qui peut être un moteur de changement. Aujourd’hui, avec le recul et la maturité, je m’appuie sur ma conviction. Mais oui, cela crée une angoisse, parce qu’on a parfois le sentiment d’être impuissant.

Vous parlez beaucoup de votre conviction. Celle-ci est-elle liée à votre éducation ?

J’ai grandi dans une ferme dans le Lot. Mon grand-père était paysan, c’était une ferme en auto-subsistance. Il y avait tout : lapins, vaches, noix, fraises, haricots, tabac, distillateur… Il faisait tout, c’était finalement une ferme en zéro déchet, tout était réutilisé ou réparé. C’est incroyable ce qu’il faisait à l’époque !

Vous saisissez donc aujourd’hui l’importance de cette transmission…

(Il coupe) On a tout perdu. En une génération.

Lorsque vous évoquez l’histoire de la famille zéro déchet, vous dîtes « Nous qui pensions être bons ». Cela signifie-t-il que l’objectif est loin d’être atteint ?
On en est tous très loin. Même moi, je suis loin d’être parfait. En alimentation, ça va. Pour la consommation, c’est correct. Mais je consomme toujours : j’ai un téléphone, un ordinateur… J’ai une voiture. Ça, c’est mon grand problème, la mobilité. Par contre, je ne prends plus l’avion, je fais attention à ce que je consomme. Je rénove une maison en produits locaux avec chanvre, chaume… Mon souci aujourd’hui, c’est le déplacement en voiture, ainsi que le numérique.

Il était présent en conférence à Pornic à l’occasion de la Semaine Européenne de réduction des déchets.

Quelles solutions imaginez-vous pour le transport ?

La solution est collective, avec une économie de la fonctionnalité. Car 95 % du temps, notre voiture est immobile, donc il faudrait la partager, à l’échelle d’une rue par exemple. Sans oublier l’offre de déplacements collectifs : bus, trains… Il faut sortir de la logique individuelle, voiture électrique ou pas.

Quelles sont les réactions les plus courantes lors de vos rencontres avec les spectateurs qui viennent à vos conférences ? 

En 20 ans de sensibilisation, la prise de conscience, elle est faite. Il y a aussi eu un effet canicule cet été : je ne vois plus de climato-sceptiques. Du coup, cela provoque de l’angoisse. Beaucoup de gens viennent me dire : « Comment on va faire ? », « J’ai peur ». Sur le terrain, on a une démocratie locale qui fonctionne. Les élus locaux font ce qu’ils peuvent, ils jouent bien le jeu. Cette transition écologique, si on veut la faire maintenant et rapidement, c’est avec les territoires. Le territoire, le local, va être la clé du changement. Je crois beaucoup en la démocratie locale, car elle fonctionne encore.